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a carrière de James Tissot s’étend sur trois périodes couronnées de succès : ses débuts à Paris (1859 – 1870), une décennie très productive à Londres (1871 – 1882) et ses dernières années en France et en Terre Sainte (1883 – 85), durant lesquelles il peint les élégantes du Paris de la Belle Époque et effectue des voyages d’étude pour une série d’illustrations de la Bible.

Né Jacques Joseph Tissot, ses parents s’étaient enrichis par leurs propres moyens, devenant ainsi de prospères marchants dans l’industrie du textile et de la mode, dans le port très animé de Nantes. Jacques s’installa à Paris en 1856 pour étudier la peinture, et fit ses débuts au Salon trois ans plus tard, sous le nom de James Tissot. Avec son œuvre La Rencontre de Faust et de Marguerite, il attira l’attention du Comte de Nieuwerkerke, Directeur Général des Musées, qui fit l’acquisition de la toile au nom du gouvernement français pour le Musée du Luxembourg pour 5 000 francs. Le jeune artiste provincial obtint donc rapidement une reconnaissance académique, qui contraste avec les critiques que subissaient au même moment ses amis James McNeill Whistler (1834-1903), Edgar Degas (1834-1917), et Édouard Manet (1832-1883).

Les toiles de Tissot exposées au Salon de 1864 reflétaient la tendance de l’époque en s’attachant à saisir une image de la « modernité ». Il trouva sa voie en tant qu’artiste grâce à des œuvres comme Les Deux Sœurs et Portrait de Mademoiselle L.L. Au Salon de Paris de 1866, Tissot fut classé hors concours, ce qui lui donna le droit d’exposer les œuvres de son choix au Salon chaque année sans avoir à les soumettre préalablement à l’avis du jury. La cote de ses peintures grimpa alors en flèche. A 30 ans, il acheta une propriété sur l’une des avenues les plus chères de Paris, l’Avenue de l’Impératrice, devenue depuis l’Avenue Foch. Vers la fin de l’année 1867 et début 1868, Tissot vivait dans le faste de sa luxueuse demeure.

En 1868, Tissot reçut une commande pour peindre la toile la plus complexe et la plus lucrative de sa carrière : un portrait de groupe du Cercle de la Rue Royale. Chacun des douze membres de ce prestigieux club privé contribua à hauteur de 1000 francs pour la réalisation de cette œuvre. En 1869, alors établi en tant que peintre de la vie raffinée et oisive du Second Empire, Tissot commença à réaliser des caricatures politiques grinçantes pour un nouveau magazine de société londonien, le très subversif Vanity Fair, fondé par Thomas Gibson Bowles (1842-1922). La première personnalité qu’il prit pour cible fut Napoléon III.

Avec la chute du Second Empire le 2 septembre 1870, la vie parisienne bienheureuse de Tissot prit fin. Devenu tireur d’élite, il prit la défense de Paris au sein d’une unité des forces spéciales, les Eclaireurs de la Seine. Au lendemain de la guerre franco-prussienne et de la sanglante Commune (mars - mai 1871), James Tissot fuit Paris avec 100 francs en poche et parvint à s’établir dans le marché de l’art londonien très concurrentiel en s’adaptant au goût britannique. En 1873, il s’installa dans une spacieuse villa de St. John’s Wood, qu’il agrandit rapidement avec la construction d’un atelier et d’une immense véranda.

Tissot cessa d’envoyer ses œuvres au Salon en 1870. Il déclina aussi l’invitation de Degas à rejoindre le groupe d’artistes indépendants français bientôt connus sous le nom d’Impressionnistes, et à participer à leur première exposition à Paris en 1874. De 1872 à 1875, Tissot exposa ses peintures exclusivement à la Royal Academy, comme son Bal à bord (1874), et gagna beaucoup d’argent grâce à la vente d’estampes et de répliques à l’aquarelle de ses toiles. En 1876, il se retrouva ainsi à la tête d’une fortune, menant une vie quasiment coupée du monde pendant six ans en compagnie de Kathleen Irene Ashburnham Kelly Newton (1854-1882), une jeune femme divorcée qui fut sa maîtresse et sa muse.

De 1877 à 1879, Tissot exposa ses toiles à la nouvelle Grosvenor Gallery, une alternative à la Royal Academy accessible uniquement sur invitation. Les artistes pouvaient présenter autant d’œuvres qu’ils le souhaitaient au sein de cet édifice grandiose situé sur New Bond Street. Kathleen Newton servit de modèle pour plusieurs toiles peintes par Tissot, dont Evening (1878) et Le Hamac (1879). Fin 1882, Kathleen Newton mourut de la tuberculose à l’âge de 28 ans. Tissot abandonna alors son domicile à St John’s Wood pour rentrer à Paris, et finit par revendre sa propriété londonienne l’année suivante au peintre d’origine néerlandaise Lawrence Alma-Tadema (1836-1912).

Tissot s’appliqua à rétablir sa réputation à Paris avec une série de quinze toiles de grand format intitulée La Femme de Paris. Réalisées entre 1883 et 1885, ces toiles représentent l’élégante Parisienne sous diverses incarnations, avec une palette de couleurs modernes et plus lumineuses que dans les précédentes œuvres de l’artiste. Elles furent toutefois mal accueillies. On suppose que Tissot consacra alors le restant de sa vie à l’illustration de la Bible, effectuant même plusieurs voyages d’étude en Terre Sainte entre 1886 et 1889. Une série de 365 illustrations à la gouache réalisée pour La Vie du Christ fut présentée à Paris (1894 et 1895), Londres (1896) et New York (1898) devant un public enthousiaste. Elles furent publiées en 1896-97 ainsi que dans plusieurs éditions ultérieures.

En parallèle, à partir du milieu des années 1880 et jusqu’au début des années 1890, Tissot exécuta également une quarantaine de portraits, essentiellement des pastels, de femmes aristocratiques et d’autres figures de la bonne société dans de somptueux décors de la Belle Epoque. James Tissot mourut en 1902, à l’âge de 66 ans, alors artiste fortuné et reconnu grâce à ses illustrations de La Vie du Christ, qui constituent son plus grand chef-d’œuvre. Dans sa notice nécrologique publiée dans The Evening Post, Tissot fut comparé à William Blake, et aurait même « uni comme Blake ne l’avait jamais fait, ni aucun autre artiste connu, le mystique et l’idéal avec un réalisme intense ».

Matériel connexe

Bibliographie

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Dernière modification 26 janvier 2017

Traduction de Sabrina Laurent 28 janvier 2024