[L'auteur a généreusement partagé ce matériel de son Les Guillotinés de la Révolution Française. Nos lecteurs voudront peut-être visiter. — George P. Landow]

Pour la premier fois depuis 1614 le roi de France va s'adresser publiquement et solennellement aux représentants de la nation. Cet événement a soulevé un espoir immense dans toutes les villes et campagnes. Mais ce n'est pas tout : Les cinq mois de préparation des Etats généraux et de rédaction des cahiers de doléances ont laissé le temps à tous les Français de s'exprimer. Et l'espoir s'est peu à peu transformé en exigence. Assez des impôts injustes, assez de l'arbitraire, assez de l'inique régime féodal, que vivent les libertés locales! Partout aujourd'hui, on attends que les choses changent. Et partout on espère que le roi accepte loyalement de prendre en compte les vÏux du tiers état, qui se sent investi des espoirs et des revendications de ses vingt-sept millions de sujets. Un geste, une parole de sa part suffirait.

Les badauds étaient massés depuis le lever du jour le long de la rue des Chantiers pour voir passer les députés de Etats. Convoqués pour huit heures, ceux-ci sont arrivés par petits groupes devant l'hôtel des Menus-Plaisirs. Le marquis de Dreux-Brézé et les deux autres maîtres des cérémonies les ont alors fait entrer dans des vestibule. Et l'appel nominatif des 1 200 députés a commencé.

La salle a été soigneusement aménagée pour y accueillir plus de trois mille personnes. Plusieurs mois de travaux ont été nécessaires pour transformer ce qui n'était à l'origine qu'un entrepôt destiné à conserver des décors d'opéra du roi. Il en coûtera au trésor du royaume la respectable somme de 200 000 livres, ce qui représente, il est vrai, une goutte d'eau dans l'océan du déficit budgétaire de 56 millions si on en croit Necker.

La lente entrée des députés a permis au public de les dévisager tout à son aise. Les représentants étaient conduits à leur places respectives, les membre du clergé à la droite du trône, les nobles à sa gauche et le Tiers au fond de la salle. Les députés bretons se sont taillé un franc succès. On a surtout remarqué, parmi eux, un certain Michel Gérard? Unique paysan de l'Assemblée, il est aussi le seul à ne pas porter de perruque et à n'avoir pas adopté le costume prévu par le protocole.

Louis XVI a quitté le château peu avant midi, alors que les députés finissaient de s'installer. Il était alors midi. Soudain, les huissiers se sont agenouillés. A l'entrée du roi, une immense ovation s'est élevée, puis le silence est retombé. Revêtu du grand manteau royal et coiffé d'un chapeau à plumes, le souverain a salué et s'est assis. Le roi s'est alors exprimé d'une voix forte et puissante. Appelant les représentants de la nation à la concorde, il a émis le souhait que la sagesse l'emporte. A aucun moment, louis XVI n'a fait preuve d'une quelconque volonté de renoncer à une parcelle de souveraineté. Les rangs du Tiers, déjà tendus, se sont quelque peu agités à l'évocation du "désir exagéré d'innovation". Mais l'enthousiasme général l'a emporté, comme l'ont prouvé les applaudissements effrénés qui ont interrompu à plusieurs reprise les discours royal. Celui-ci terminé, Louis a de nouveau salué et s'est recouvert.


Dernière modification août 3 novembre 2010